Dans ce piano tout noir
A un tel niveau de virtuosité technique et de sensibilité artistique, on se dit en écoutant Romain Didier jouer du piano qu’il possède toutes les qualités d’un grand interprète classique. Ses doigts courent sur le clavier de manière ininterrompue, effectuant des prouesses, donnant rapidement la sensation aux spectateurs que se produit sous ses yeux un orchestre au grand complet. Le bouleversant de manière durable.
Et quelle voix ! Exceptionnelle elle aussi, qui contribue à faire de Romain Didier l’un des meilleurs chanteurs français.
Durant une heure, sur le ton de la confidence et pour un périple presque sans escale où les titres s’enchaînent, il nous rend familier son univers avec des titres écrits par lui seul, paroles et musique (aucune chanson composée avec son ami le regretté Allain Leprest), faisant surgir de son piano noir des images et des émotions liées à l’enfance. Sublimes moments aussi, les reprises de « Un jour tu verras » ou « Et maintenant » dans des orchestrations toutes personnelles. Un spectacle parfait ! Un moment magique !
Romain Didier n’a pas le sourire perdu dans les brumes du songes, des yeux d’idéaliste éperdu. Il y a chez lui une sorte de pessimisme serein, de patience instruite. Il sait le monde, il sait les hommes, il sait l’amour – et on le devine très vite à son phrasé sobre, à sa chaleur pudique, au peu de goût qu’il a pour les phrases vertigineuses et les envolées d’athlète. Depuis vingt-cinq ans qu’il donne à entendre régulièrement de nouvelles chansons, il a su imposer ces climats qui lui ressemblent, comme des dimanches dans les romans de Raymond Queneau, des banlieues sous le trait de Pierre Le Tan, des rues calmes dans les photos de Lartigue.